reproduction fidèle de ce petit texte et quelques photos de ces deux personnes sur les aléas rencontrés par leur touchant projet




Bure : Comment punir ceux qui offrent un toit à ceux qui n’en ont pas


Nous sommes deux militant.e.s antinucléaires. En 2022, nous commençons à chercher un endroit où nous pourrions démarrer une petite ferme autour de Bure, en Meuse. Région récemment dominée par l'intérêt du projet CIGEO incarné par l’Agence National de gestion des Déchets Radioactif (l'Andra). Notre idée était de vivre en pratiquant des alternatives au mode de "développement" proposé par l'Andra, et aussi de briser la division artificielle entre opposants et non-opposants.

Nos désirs étaient simples. Élever nos animaux, produire du fromage, travailler et vivre avec les gens autour. Cesser d'être des "activistes" et être simplement ce que nous sommes - des gens comme les autres. Parce que nous croyons que ce que l'Andra veut réaliser, c'est détruire les relations entre les habitants basées sur l'amitié, l'entraide, la bienveillance, le sens de la communauté en faveur d'une dictature bureaucratique, inhumaine et impersonnelle. De fait, nous sommes étonnés de trouver si rapidement tant de gentillesse chez nos voisins, mais nous devons admettre que nous ne nous attendions pas à ce que l'appareil bureaucratique de l’Andra soit si efficace dans la région.





En 2023, nous trouvons une maison et son terrain. Nous voulions l'acheter (à des conditions vraiment préférentielles grâce à la gentillesse du propriétaire) mais nous avons appris que les autorités essaieraient d'empêcher cette vente par préemption (la mairie est prioritaire sur la vente, elle peut racheter la maison à la place des nouveaux acquéreurs). Nous avons donc abandonné l'idée et commencé à rénover la maison avec l'aide de nos amis et l'aide financière du propriétaire. Il y avait et il y a encore beaucoup à faire.

En cinq mois, nous avons refait la moitié du toit, construit un enclos pour les chèvres, évacué des tonnes de vieux déchets et rénové la cheminée. Avec l'aide d'un ami agriculteur, nous avons fait du foin sur nos terres. Nous nous finançons grâce aux petits dons des sympathisants, à la vente de jus de pomme, de champignons, d'objets de brocante et de petits contrats de travail.

Nous étions loin de nous douter que les activités mentionnées ci-dessus inciteraient les autorités à s'en prendre, non pas à nous directement, mais au propriétaire de la maison.





Il y a quelques semaines, nous avons reçu une notification de contrôle de l'Agence Régionale de Santé (ARS) suite à une dénonciation sur la non-conformité de l'immeuble aux normes d'hygiène résidentielle. La base juridique de ce contrôle est constituée par des lois créées pour protéger les locataires contre les propriétaires frauduleux. Le contrôle a eu lieu au moment où nous rénovions le toit. Bien entendu, le contrôle a porté sur l'absence de respect des normes de l'immeuble - ce que à quoi nous nous attendions.





En revanche, ce à quoi nous ne nous attendions pas, c'est la décision de la préfecture d'interdire l'utilisation de l'ensemble de l'immeuble, c’est l'ordre d'expulsion immédiate des locataires, l'ordre d'effectuer les travaux indiqués par la préfecture (raccordement à l'eau potable, construction d'une salle de bain, et évacuation des eaux usées) dans un délai de 15 jours et sous la responsabilité du propriétaire. Tout cela en menaçant de faire réaliser les travaux par les autorités locales mais à la charge du propriétaire.

Cela pourrait l'endetter et permettrait à la commune de prendre le contrôle de la propriété. L'autre menace est une amende de 100 000 euros et de 3 ans de prison si le propriétaire ne fournit pas de nouveaux logements aux habitants dans un délai de 5 jours.

Résumons la situation; notre ami, qui est le propriétaire de la maison, nous a laissé utiliser le bâtiment gratuitement, nous aidant même à payer quelques factures et une partie de la rénovation. Il est maintenant menacé par l'état de prison, d’endettement et finalement de perdre sa maison. De plus, la personne qui vivait dans cette maison est expulsée sans préavis.

Le préfet utilise ainsi une loi, qui est censée protéger la population, pour vider le territoire de ses opposants et punir les habitants qui s’écarteraient du droit chemin.





Nous avons besoin de votre soutien. Notre priorité actuelle est d'assurer la sécurité de notre ami qui risque de perdre sa maison et la terre de son enfance.

Nous avons déjà commencé à estimer les coûts et les travaux nécessaires pour réparer la décision injuste du préfet.

Dans un premier temps, nous devons réaliser un système d'égouts, un raccordement à l'eau et une douche. Comme nous sommes certains que le harcèlement des autorités ne s'arrêtera pas là, nous voulons également poursuivre la rénovation des murs et terminer l'installation électrique. Votre soutien financier est très important. Pour l'instant, nous n'avons aucun moyen d'attaquer la décision du préfet. La protection de notre ami est également essentielle à la survie de notre projet.




Que l'entraide l'emporte sur la bureaucratie des technocrates.


Mila et Jan, Juillet 2023              









C'est dans le petit village de Tourailles-sous-bois (OpenStreetMap) :




ce préfet, énarque, venait de débarquer 4 mois auparavant en Meuse,


La suite de l'histoire dans Le Canard Enchaîné du 25/01/2024 :

« ... 11 août, Mila reçoit un avis d'expulsion immédiate...
Quelques jours plus tard, surprise ! Xavier Delarue, le préfet de la Meuse, débarque en personne. Les gendarmes ont bouclé le village. Ils défoncent la porte. Passent la maison au peigne fin, sous l'oeil averti du préfet. Lequel envoie bientôt ses ordres au proprio.
Il lui dit qu'il doit tout refaire, eau, électricité, sanitaire, chauffage, et même poser un escalier ici et une porte là, et que ça lui coûtera "environ 113  000 euros". Soit trois ou quatre fois le prix de la maison.
Conseil avisé du préfet dans son courrier du 27 décembre : "Je vous propose de considérer que les travaux nécessaires à la résorption (sic) sont plus coûteux que la démolition-reconstruction du bâtiment d'habitation
" »


En 2021 la maman du donc propriétaire actuel vivait dans de cette maison quand elle décède. Apparemment les maisons des vieilles et les vieilles n'interessent pas les préfets.